Destins des objets
Les objets ont mille et une vies. S’ils tiennent souvent du fragment, des restes quand il ne reste plus rien, ils s’inscrivent aussi dans des systèmes d’appartenance individuels et collectifs. Muets, ils parlent, racontent l’histoire et deviennent la métonymie de l’évènement et des disparus.
Leur étude appelle la compilation, l’inventaire infini, l’observation minutieuse. L’histoire de leur fabrication et de leurs trajets forme un « paradigme indiciaire » qui informe sur l’évènement. Traces et empreintes, ces objets sont aussi des pièces à conviction permettant l’administration de la preuve. Ils attestent de la réalité des faits. Prosaïques, précieux, rares, échangés, troqués, fabriqués, inventés, volés, usurpés, réquisitionnés, perdus, cachés, enfouis, retrouvés, ils peuvent avoir mille et une vies. Symboles, ils deviennent parfois fétiches.
Objets de deuil et de mémoire, objets-chagrin, à qui appartiennent-ils vraiment ? Leur statut n’est d’ailleurs jamais tout à fait clair. Objets privés, objets publics, ils sont aussi objets de musée, d’études et de recherche. Parfois, enjeux de litiges, ils sont toujours objets d’héritage et, souvent, objets d’inspiration, devenant des objets-œuvres.
Le terme objet est entendu ici dans son acception la plus large, du concret au symbolique. On découvrira le parcours d’objets très divers – vêtements, valises, jouets, chaussures, mobilier-, mais aussi – lettres, plaques, pierres tombales, tracts, fiches, fichiers, listes, graffitis, catalogues, inventaires, dessins, peintures, poèmes et récits-, et – armes, douilles, uniformes, médailles, etc. On étudiera leur inscription dans les différents champs mémoriels, leur place et leurs fonctions dans les créations artistiques.
Corinne Benestroff